1 juin au 2 juin
Lullaby Experience
Le CENTQUATRE-PARIS - Atelier 4
- Spectacles
Lullaby Experience est une expérience immersive à la croisée des mondes du concert, de l’installation, du théâtre et de l’opéra. Surplombés et entourés par des essaims de voix chantantes ou chuchotantes, les spectateurs évoluent au sein d’une scénographie onirique pour y rencontrer une clarinettiste, un violoniste, ou encore un clown, une ballerine… ainsi que les autres musiciens de l’Ensemble Modern ou personnages imaginés par le metteur en scène Claus Guth. L’envie de Pascal Dusapin à l’origine de ce projet datait d’il y a plus de dix ans. Il rêvait de pouvoir tisser des « nuages chantants », des masses musicales entrelaçant un grand nombre de voix qui, à l’opposé, seraient intrinsèquement intimes et minimalistes : des berceuses et des comptines chantées a capella. L’objectif de cette collaboration était donc de créer des processus génératifs pouvant naviguer dans un vivier de chants individuels de langues, caractéristiques et qualités différentes, pour créer ces « nuages chantants » qui prendraient ensuite vie au travers d’un dispositif de diffusion spatialisé et contrôlé par Thierry Coduys. Les agents génératifs au cœur de Lullaby Experience, issus des recherches menées au sein du projet ANR DYCI2 et développés avec la collaboration de Jean Bresson (équipe Représentations musicales Ircam-STMS), ont donc été conçus pour offrir la possibilité de composer à un haut niveau d’abstraction l’évolution temporelle de chœurs polyphoniques tantôt denses tantôt fragiles, tantôt statiques tantôt évolutifs, ainsi que de contrôler l’équilibre ou le déséquilibre entre l’hétérogénéité induite par la variété des matériaux et plusieurs paradigmes d’homogénéité pouvant structurer ces nuages dans le temps.
Afin de procéder à la collecte de « morceaux de nuages », Thierry Coduys et Buzzing Light ont développé une application smartphone permettant à chaque personne souhaitant contribuer au projet d’enregistrer et transmettre ses comptines, et celles-ci sont arrivées de France, d’Allemagne, d’Espagne, d’Irak… Au fur et à mesure de l’avancée de la collecte, les comptines étaient analysées par Axel Roebel et Nicolas Obin (équipe Analyse et synthèse des sons Ircam-STMS) selon plusieurs critères audiomusicaux, offrant ainsi à nos agents génératifs plusieurs « poignées » pour extraire des événements et les assembler de manière à leur faire raconter de « nouvelles histoires ». Pour Pascal Dusapin, le premier impératif était en effet d’entendre le matériau et ne lui faire subir aucune transformation pour préserver le caractère organique de la voix en conservant la variété des timbres et des énergies, en intégrant ses respirations, ses souffles, et, parfois, sa justesse approximative. Il n’était donc pas question d’utiliser seulement ces lullabies comme un terrain d’observation sur lequel faire apprendre des modèles, mais de les envisager également comme les briques élémentaires qui constitueraient ces nuages structurés. Nourris par ces analyses, nos agents étaient ainsi pourvus de mémoires musicales sur lesquelles étaient appris des modèles temporels créant une cartographie des similarités naturelles et contextuelles des éléments constituant les comptines. Ainsi, en allant piocher dans leurs mémoires, ils pouvaient instancier sous la forme de « nuages chantants » concrets des scénarios compositionnels d’une plus haute abstraction portant tantôt sur des critères mélodiques, harmoniques, rythmiques, ou encore timbraux. Ils permettaient au compositeur de composer en définissant des évolutions temporelles de haut niveau, ou pourrait-on dire, de composer à l’échelle de la narration.